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II. PARTIE.
DES DENTS DE PLACOIDES, TANT DES ESPÈCES FOSSILES QUE DES ESPECES VIVANTES, ET DES DIFFÉRENCES GÉNÉRIQUES ET SPÉCIFIQUES QU'ELLES PRÉSENTENT.
CHAPITRE I.
DES DENTS DE PLACOIDES EN GÉNÉRAL.
Quand on réfléchit á l'imperfection de nos connaissances actuelles sur les poissons cartilagineux, l'on ne saurait être surpris du peu de progrès qu'a fait l'étude des débris fossiles appartenant á ce groupe d'animaux, surtout si l'on considère les difficultés qui se sont constamment opposées á une détermination rigoureuse des dents éparses de Squales et de Raies que l'on trouve en si grand nombre dans diverses couches de l'écorce de notre globe. Ces difficultés sont telles, que l'on ne possède pas maintenant une douzaine de dénominations basées sur la comparaison directe des espèces fossiles avec les vivantes. Et cependant combien ces déterminations ne doivent-elles pas devenir importantes pour la géologie, puisqu'il existe des débris de ces fossiles dans toutes les formations qui contiennent des traces d'ètres organisés depuis les plus anciennes jusqu'aux plus récentes. Il est vrai que les espèces des terrains tertiaires seules présentent des ressemblances assez sensibles avec les Squales et les Raies, pour qu'on ait pu les ranger sans hésitation dans ces familles, mais les tentatives de déterminations en sont demeurées là, et l'on n'est pas allé jusqu’à fixer les genres auxquels elles appartiennent. Les espèces des terrains secondaires les plus récens diffèrent déjà en général si complètement des types ordinaires de notre époque, que les rapprochemens qu'on a faits á cet égard sont bien peu naturels. Je ne rappellerai pas que les premières désignées sous le nom de Glossopètres ont été envisagées comme des langues de serpens pétrifiées, jusqu’à ce qu'Agostino Scilla eut prouvé qu'elles provenaient des mâchoires de différens Squales: je me bornerai á démontrer que le rapprochement qu'on a fait entre certaines dents des terrains de l'époque secondaire nommées Bufonites á dos sillonné et les Bufonites ordinaires est tout-à-fait erroné. En effet, sous le nom de Bufonites on a désigné des dents á racine creuse, á couronne distincte, qui se forment dans les alvéoles de la mâchoire avec le bord desquelles elles se soudent plus tard et qui constituent plusieurs genres de la famille des Pycnodontes dans l'ordre des Ganoïdes; tandis que les Bufonites á dos sillonné ont une couronne rugueuse ou sillonnée de plis et une racine compacte, aplatie á sa base, sans cavité intérieure, ne présentant jamais d'adhérence avec les mâchoires, et rappelant par là la dentition des Cestracions, des Mustelus et de certaines Raies: aussi n'hésité-je pas á les ranger dans Tordre des Placoides; je ferai même voir bientôt que c'est á côté du genre arêtes qu'il faut les placer.
Lorsque j'entrepris d'étudier, de classer et de déterminer comparativement toutes ces dents fossiles, nos connaissances sur les Squales et les Raies en étaient au point où Cuvier les avait laissées dans la seconde édition du règne animal. Pour les rendre applicables á la paléontologie, j'avais dû faire dessiner les principales modifications que la dentition de ces familles présente suivant les genres; j'avais appelé l'attention des géologues sur la nécessité de recueillir avec soin tous les débris provenant des mêmes localités, afin de pouvoir les réunir plus facilement un jour: j'avais même publié les figures des mâchoires et des dents détachées de plusieurs espèces vivantes des principaux genres de Squales et de Rajes (vol. 3, tab. B jusqu’à H), afin de faciliter aux géologues ces sortes de recherches. Mais ces efforts seraient probablement restés encore long-temps sans résultats satisfaisans, si d'un côté le Prince de Musignano et de l'autre MM. Müller et Henle n'étaient venus étendre considérablement le cercle de nos connaissances sur cet ordre de la classe des poissons; le premier par des monographies de différens genres dans la Fauna Italica, et plus tard par un conspectus de tous les genres de Tordre, les seconds par leur prodrome d'un travail complet sur tout ce groupe d'animaux, et surtout parleur grand ouvrage sur les Plagiostomes, dont la première livraison vient de paraître.
Connaissant maintenant les modifications que présente la dentition de tous les genres établis jusqu’à présent, il sera plus facile de rapprocher les fossiles de leurs vrais congénères. Je le pourrai même d'autant mieux que M. Henle pendant son séjour á Neuchâtel, a bien voulu parcourir avec moi mon portefeuille et m'éclairer sur les genres que je n'avais pas encore eu occasion d'examiner moi-même. La certitude que j’ai acquise par là que les nombreux genres nouveaux que j'avais établis pour des espèces fossiles ne font pas double emploi avec les nouveaux genres proposés par MM. Müller et Henle, et par le prince de Musignano, m'a mis en état de poursuivre mon travail de comparaison et de rapprochement et de publier enfin cette partie de mes recherches qui, je crois, doit être surtout désirée á cause du grand nombre de fossiles sans déterminations, qui existent dans les collections.
De la comparaison des espèces fossiles avec les espèces vivantes, il résulte un fait bien curieux, conforme á ce que l'étude du développement génétique du règne animal nous apprend de tous les groupes bien étudiés, c'est que les types génériques qui prévalent dans la création actuelle, ou n'ont pas de représentans parmi les fossiles, ou bien sont limités aux terrains tertiaires et crétacés; tandis que les genres qui paraissent isolés dans notre époque, comme les genres Mustelus et arêtes, sont représentés par de nombreux genres analogues dans toute la série des terrains secondaires.
L'organisation, le mode d'insertion et la succession dans le développement des dents des Placoides sont autant de points qui méritent d'autant plus de fixer l'attention, que l'on y a eu moins d'égard jusqu’à présent. Les divers genres de cet ordre offrent des différences si frappantes, qu'il sera facile de déterminer les espèces fossiles lorsqu'on aura fait une étude spéciale de tous les caractères que présentent les espèces vivantes, et qu'on aura appris á tenir compte des différences que l'on rencontre souvent dans une même espèce, selon la position qu'occupent les dents vers l'extrémité antérieure ou postérieure des mâchoires, dans une rangée plus ou moins externe, et selon qu'elles sont fixées á la mâchoire supérieure ou inférieure. Mais comme on reconnaît généralement á travers toutes ces différences un caractère spécifique appréciable, les difficultés pour la détermination des fossiles disparaîtront d'autant plus, qu'on aura mieux étudié toutes les modifications possibles dans les espèces vivantes. Il est du reste important de faire remarquer que les dents des espèces fossiles présentent des cycles de variations analogues.
Malgré les différences énormes que l'on remarque dans la forme des dents de tous les poissons de cet ordre, elles ont cependant un caractère d'organisation commun que l'on retrouve sous les formes les plus extrêmes; c'est d'avoir une base ou racine osseuse, de forme très-variable, cachée dans l'épaisseur du derme, et recouverte á sa partie supérieure, qui fait saillie dans la bouche, d'une couche émaillée plus ou moins épaisse, formant la couronne de la dent, et affectant des modifications très-diverses qui caractérisent les différens genres de cet ordre. Un autre caractère qui leur est commun, c'est de n'être point enchassées dans des alvéoles, ni soudées aux bords dentaires des mâchoires. Dans aucun autre ordre de la classe des poissons les dents ne sont aussi indépendantes du squelette que chez les Placoides, puisqu'elles se forment dans l'épaisseur du derme, et s'y développent sans s'enfoncer dans les bords des mâchoires. Simplement adhérentes aux tégumens qui tapissent la gueule, elles jouissent, dans la plupart des Squales du moins, d'une mobilité très-remarquable, que l'on ne retrouve nulle part dans le règne animal, et qui consiste á pouvoir se dresser sur leur base, et opposer leurs pointes et leurs tranchans á celles de la mâchoire opposée. Les dents qui sont moins mobiles ou complètement fixes, comme celles des Myliobates, n'en sont pas moins libres, c'est-à-dire qu'elles présentent les mêmes rapports génétiques avec les mâchoires; seulement plus serrées entre elles et disposées en séries plus rapprochées, comme dans les genres Cestracion, Mustelus et dans beaucoup de Raies, leurs mouvemens sont plus limités, ou même elles se soudent par leurs bords de manière á former de larges plaques dentaires, comme dans les genres Myliobates, Aetobates, etc. Ces dents de Squales et de Raies sont, en outre, disposées généralement sur plusieurs rangées, dont les antérieures s'usent les premières, tombent et sont remplacées par celles des rangées internes. Ceci a lieu même dans les genres dont les espèces ont les dents soudées par leurs bords, de manière á être immobiles. En revanche, il se forme continuellement de nouvelles dents en arrière de celles qui existent, et qui avancent successivement vers les rangées antérieures á mesure que celles-ci tombent, pour finir souvent par occuper á leur tour le premier rang.
La base de toutes ces dents est large et aplatie, ou arrondie, ou sillonnée, ou échancrée-, mais jamais elle n'est conique, ni terminée en pointes aigues, c'est une sorte de racine osseuse plus ou moins compacte ou spongieuse, sans cavité intérieure, gisant dans des espèces de cellules cutanées et simplement embrassée par la partie de la peau á laquelle elle adhère. La couronne qui s’élève au-dessus des cellules dans lesquelles la racine est enclavée, présente un aspect très-variable dans les différens genres et même dans les différentes parties des mâchoires du même animal. Ainsi dans les groupes dont les dents sont subulées, ou triangulaires et plus ou moins comprimées, celles de la partie antérieure et des côtés des mâchoires sont généralement plus allongées et acérées que celles de la partie postérieure qui sont plus ou moins obtuses. Quand il existe des différences notables entre les dents de la mâchoire supérieure et celles de la mâchoire inférieure, ce sont tantôt les premières, tantôt les dernières qui sont plus étroites et plus effilées que les autres. Lorsque les dents antérieures ne sont pas semblables á celles des côtés, elles sont ordinairement plus petites et plus pointues; il y a même souvent vers la symphyse des deux branches des mâchoires de chaque côté une rangée de petites dents de forme particulière, ou une seule rangée sur la symphyse même. Enfin, les dents des jeunes individus diffèrent souvent considérablement de celles des adultes par l'absence de serratures ou de petites dents sur les côtés. Dans les véritables Raies on remarque mème des différences dans la dentition des individus de sexe différent. Ce sont ces variations si nombreuses et si compliquées, qui jusqu'ici ont rendu si difficile la détermination des dents fossiles que l'on trouve habituellement isolées. Cependant un examen prolongé des limites de ces variations dans les différens genres m'a démontré que, dans la plupart des cas du moins, on peut arriver á préciser rigoureusement le genre et l'espèce d'un Placoide dont on ne connaîtrait qu'une seule dent. Aussi, avant d'entrer dans des détails descriptifs sur les espèces fossiles, je crois utile de passer en revue les principaux types de dentition que présentent les poissons de cet ordre afin de faire voir que les tentatives de grouper toutes ces dents fossiles en genres et en espèces peuvent n'être pas dénuées de fondement et qu'elles sont même pour la plupart justifiées par l'analogie qui existe entre certaines espèces vivantes et les fossiles, dans les limites naturelles de leurs variations.
La première question qui se présente est celle de savoir si l'on peut en général distinguer les dents des principales familles de l'ordre des Placoides, sans entrer dans le détail des genres et des espèces, ou, en d'autres termes, si les dents offrent des caractères assez tranchés pour pouvoir reconnaître de prime abord celles des Raies, des Squales, des Chimères et des Cyclostomes? et en descendant par degrés, celles des Myliobates, des Raies, proprement dites, des Torpilles, des Rhinobates, des Cestraciontes, des Scyllium, des vrais Squales, des Lamies, etc. ? - Posée d'une manière aussi absolue, cette question ne saurait être résolue affirmativement, pas plus qu'on n'a pu affirmer jusqu'ici qu'il existe des caractères tranchés pour distinguer dans tous les cas les dents des poissons et des reptiles et même celle des mammifères. Cependant il s'ouvre á cet égard une ère nouvelle pour la paléontologie, et les recherches microscopiques que M. Owen a entreprises dans le but d'étudier la structure intime des dents feront bientôt connaître des différences importantes et entièrement inaperçues jusqu’à présent, qui distinguent nettement les dents des animaux appartenant aux principales grandes divisions des vertébrés, en même temps que des modifications moins tranchées de ces particularités permettront de poursuivre les distinctions jusque dans les genres. Les démonstrations que M. Owen a faites de ses recherches lors de la réunion des naturalistes allemands á Fribourg, m'ont paru lever toutes les difficultés á cet égard; mais comme elles sont encore inédites, je ne dois point anticiper sur ses communications, mais plutôt me borner á quelques observations que l'apparence extérieure et un examen moins approfondi m'avaient déjà fait reconnaître. Je n'entrerai pas pour le moment dans de nombreux détails sur la dentition des Cyclostomes, puisque je n'en connais pas d'espèces fossiles, et que quelques naturalistes révoquent maintenant en doute la réalité de leurs affinités avec les Plagiostomes; ni sur celle des Chimères, dont je parlerai en détail au chapitre des Chimères fossiles, dont les dents diffèrent d'ailleurs tellement de celles des Squales et des Raies qu'il suffit de renvoyer á la planche C, fig. 10 et 11, vol, 3, pour en donner une juste idée; ni sur celle des Acipensérides que j'ai du éliminer de l'ordre des Placoides pour les ranger parmi les Ganoides á côté des Loricaires et des Plectognates. Je ferai remarquer seulement que les Raies ont généralement les dents moins mobiles que les Squales et plus serrées les unes contre les autres: elles sont même quelquefois soudées par leurs bords et disposées sur un plus grand nombre de rangées que dans les Squales, celles de la partie antérieure et moyenne des mâchoires sont comparativement plus grandes. On remarque en outre, que dans les genres où les dents acquièrent des dimensions considérables, celles qui sont insérées sur la ligne médiane sont les plus grandes, par exemple dans les Myliobates; enfin les deux branches des mâchoires plus intimement soudées et placées transversalement et bout à bout, laissent á peine distinguer les rangées de dents du côté droit et du côté gauche, qui se croisent ordinairement de manière á effacer toute espèce de séparation entre elles. Il n'en est pas de même des Squales, dont les mâchoires plus arquées se séparent toujours en deux branches distinctes, portant des rangées de dents ordinairement moins nombreuses, et qui ne se croisent jamais á la symphyse, pas même lorsqu'il y a une rangée médiane de dents, comme dans le genre Cestracion, dont la dentition a, du reste, tant de rapports avec celle du genre là. Dans le genre Mustelus seulement cette démarcation entre les dents des deux branches des mâchoires n'est pas sensible. Une autre différence notable qui existe entre les dents des Squales et celles des Raies, c'est que dans les premiers les rangées extérieures (ou du moins la rangée externe) sont érectes, tandis que les rangées internes sont inclinées la pointe en arrière, et ne s'élèvent qu'au fur et á mesure que leur développement étant achevé, elles viennent remplacer celles des rangées externes qui sont tombées, ou lorsque le poisson irrité saisit sa proie en hérissant son formidable ratelier. Alors toutes les dents consolidées se dressent plus ou moins suivant leur avancement. Les dents de Raies, comme on l'a déjà remarqué, ne jouissent pas de cette grande mobilité; cependant elles tombent et se remplacent de la même manière.
Sans entrer dans le détail de tous les genres, il me reste encore á indiquer d'une manière plus précise les principaux types que présentent les dents des Squales et des Raies. En le faisant, je m'attacherai plus particulièrement á signaler les caractères des groupes qui ont des représentans dans les époques géologiques antérieures á la nôtre, ou qui peuvent contribuer á faire mieux apprécier les rapports relatifs des genres entièrement éteints.
Dans la famille des Raies, le groupe des Myliobates est celui qui a le plus d'intérêt pour le géologue, puisqu'on en trouve de nombreuses espèces dans toute la série des terrains tertiaires. Elles sont caractérisées par de larges dents á couronne plate, juxtaposées ou réunies par leurs bords et soudées par de fines sutures, de manière á former de larges plaques semblables á des carreaux d'un pavé tantôt égal, tantôt inégal, suivant la forme et la disposition des différentes plaques qui le composent. On divise maintenant les Mourines en trois genres d’après la disposition des plaques dentaires: les vraies Mourines, Myliobates Dumér. ont les dents médianes très-larges, transverses, et n'excédant pas en longueur les dents marginales qui sont à-peu-près hexagonales et disposées sur trois rangées. Le type de ce genre est le Raja Aquila L. dont le Prince de Musignano a donné une bonne figure dans sa Fauna Italica. J'en ai figuré les mâchoires vol. 3. Tab. D. fig. 9 et 10. Dans la fig. 10, on les voit en profil, ensorte que l'on ne distingue que les petites dents latérales o.o.o., tandis que la fig. 9 les représente par derrière; l'on y distingue très-bien les larges dents médianes c.c.c. qui s'étendent uniformément sur les deux branches de chaque mâchoire. Il serait dès-lors très-curieux de pouvoir examiner sur de très-jeunes individus comment ces dents se forment et quels sont leurs rapports primitifs avec les mâchoires: c'est sans doute á l'absence d'alvéoles maxillaires qu'est due la possibilité de la formation de pareilles dents, et á leur insertion dans de simples cellules cutanées. Sur les deux côtés de ces grandes dents s'observent les trois rangs de petites dents a. a., dont la rangée externe est plutôt pentagonale, tandis que les deux rangées internes sont plus régulièrement hexagonales. - Dans le genre Rhinoptera Ruhl, toutes les dents sont hexagonales, cependant les dents médianes sont plus grandes que les dents latérales qui vont en diminuant. Le type de ce genre est le Myliobates marginata, Geoff. Poiss. d'Egypte, pl. 25, fig. 2. - Le R. Jussieui Cuv. Règn. Anim. p. 401 note, a des dents de forme intermédiaire entre celles du genre Myliobates proprement dit et celles du genre Rhinoptera Kuhl. Il faudra probablement en faire un genre á part. J'ai représenté une partie de ces dents Tab. D. fig. 8. On y remarque trois rangées principales de dents très-larges c.b.b., dont la moyenne c. est la plus large, et deux rangées marginales a. o. de dents plus étroites. On pourrait appeler ce genre Zygobatis. - Le R. Narinari L. est aussi devenu le type d'un genre particulier, que MM. Müller et Henle ont appelé Aétobatis, et qui est caractérisé par une seule rangée de larges dents á chaque mâchoire. Je les ai fait figurer tab. D, fig. 1 et 2. Celles de la mâchoire inférieure fig. 2, sont transverses, tandis que celles de la mâchoire supérieure fig. 1, sont plus ou moins arquées. Les figures 3, 4, 5, 6 et 7, représentent différens aspects d'une dent détachée de la mâchoire supérieure; dans la fig. 3, la dent se voit d'en haut, de manière á laisser cependant voir en partie le bord postérieur en raccourci; dans cette figure la lettre a. représente la surface triturante de la dent que l'on voit en c.c. de la fig. 1. Si dans cette figure cette surface paraît plus étroite que dans la figure principale, c'est parce que la dent est inclinée en avant pour faire voir sur le bord postérieur les tubes a. o. dont se compose toute la couronne, et une partie de la racine c. qui est sillonnée verticalement, comme si elle était composée de plaquettes dont les dossiers formeraient la base. La figure 4 représente la même dent, vue en dessous et montrant les sillons de la base de la racine c., et en raccourci les tubes de la couronne a.; dans la figure 5, cette dent se voit en profil par derrière, ensorte que la surface de la couronne forme simplement le contour supérieur; mais on y voit ses tubes a. dans toute leur longueur, ainsi que les sillons verticaux c. de la racine. Il en est de même de la figure 6, qui représente encore la même dent, dans la même position que la fig. 5, mais vue par son bord antérieur qui est légèrement convexe; les lettres a. et c, désignent les mêmes parties de la dent. Les petits pores que l'on aperçoit en c.c., servent très-probablement de passage aux vaisseaux nutritifs des dents. Enfin la fig. 7 la représente dans la même position que la fig. 3, c'est-à-dire vue d'en haut; seulement ici c'est le bord antérieur qui est mis en évidence par une légère inclinaison de la couronne en arrière. La lettre a. représente là surface de la couronne; la lettre o., les tubes dont elle se compose, et la lettre c., la racine. Parmi les fossiles du groupe des Myliobates on observe encore d'autres modifications dans la disposition des plaques dentaires, dont il s'agira au chapitre destiné á la description de ces espèces.
Quelque extraordinaire que paraisse la dentition des Myliobates, on peut cependant reconnaître dans leurs dents le type général de la dentition des Raies, surtout si l'on compare les espèces á plusieurs rangées de plaques avec les dents en massues arrondies des Raies ordinaires. En effet, ce qui dans les Raies proprement dites, nous apparaît comme de petites dents en massues, est transformé ici en larges plaques á surface extérieure plane, unie, et lisse, disposées les unes á côté des autres, comme les larges carreaux d'un pavé plat. Quant á l'organisation même de ces plaques, elle est fort singulière, comme on peut en juger en comparant les figures d'une dent isolée de l'Aetobatis Narinari, décrite ci-dessus. Chacune d'elles est composée de deux parties qui semblent formées de substances différentes. La partie externe ou supérieure, qui est très-dure, paraît composée de fibres perpendiculaires ou plutôt de tubes microscopiques, formant une couche plus dense vers la surface, semblable á une couche d'émail. Cette partie de la dent est séparée de la partie inférieure par un fort sillon ou étranglement horizontal que l'on retrouve dans le s dents de arêtes, d'Acrodus, de Ptychodus, etc., en un mot dans tous les Squales à dents plates et arrondies. Il est dès-lors évident que celte partie inférieure des plaques des Mourines doit être envisagée comme leur racine, et qu'elle est analogue á la racine des dents de Squales. Elle est d'ailleurs très-poreuse et osseuse, comme dans les autres Placoides. A l'état fossile, ces deux parties des plaques se séparent aisément et se brisent en petites lames plus ou moins régulières.
Il ne s'est encore présenté aucune trace de Céphaloptère ou d' Anacanthe fossiles; en revanche les Trygons, les véritables Raies, et même les Torpilles et les Rhinobates, ont eu des représentans pendant l'époque tertiaire, il n'y a pas jusqu'aux Pristis dont on n'ait découvert des traces dans les mêmes terrains. Mais comme ces débris consistent plutôt en fragmens de squelettes qu'en dents isolées, j'en parlerai plus en détail dans la 5° partie de ce volume, en même temps que je ferai connaître divers types de Raies propres aux terrains secondaires, qui n'ont pas d'analogues parmi les espèces vivantes. Je me bornerai pour le moment á ajouter encore que les dents du Ceroptera M. et H. (Raja Giorna Les.) sont très-petites, squamiformes et assez semblables á celles des Notidanus, par la multiplicité de leurs pointes sur un même bord, tandis que celles du vrai Cephaloptera sont pointues ou tuberculiformes. Dans le premier genre elles ne sont distinctes qu'à la mâchoire inférieure, mais dans le second on les voit bien aux deux mâchoires.
Dans le groupe des Trygons, comme dans celui des Raies proprement dites, les dents varient infiniment, et déjà l'on a dû augmenter considérablement le nombre des coupes génériques qui avaient été établies il y a quelques années. Dans les Trygons les dents sont très-petites et disposées en quinconce, mais un peu différemment dans différentes espèces: dans une espèce inédite du Musée de Paris, les séries verticales sont tellement rapprochées que ce sont les rangées obliques qui sautent le plus aux yeux; dans d'autres espèces les dents des séries verticales sont plus rapprochées les unes des autres, tandis que les séries elles-mêmes sont plus éloignées, ce qui fait paraître davantage ces dernières. Quant á la forme des dents, on remarque qu'elles sont portées sur un fort pivot creux, renflé á son extrémité en une plaque subtrigonale, dont la pointe interne (qui est en même temps la verticale), plus ou moins oblique dans certaines espèces, par exemple dans le Trygon Pastinaca, est la plus longue, et forme cette forte saillie qui, malgré la grande différence d'insertion, donne aux dents de ces Pastenagues quelque ressemblance avec celles de certains Squales. Les différences les plus saillantes que l'on observe d'ailleurs sur ces dents, ont surtout trait á la forme de leur renflement, qui est tantôt sémilunaire avec une pointe légèrement courbée de côté et faiblement sillonnée sur son milieu, comme dans le T. Pastinaca, tantôt fortement échancré au bord supérieur de la plaque, avec une pointe verticale toute droite et effilée comme une dent de Lamna, tantôt encore réduit á un léger renflement surmonté d'une forte épine arrondie, subulée et légèrement fléchie sur le côté. Ces dernières modifications ont été observées dans des espèces inédites du Musée de Paris.
Parmi les Plaies on distingue deux modifications de dents fort différentes, celles en massues arrondies, et celles en plaques relevées d'une épine plus ou moins allongée. Dans ces deux types les dents sont placées en quinconce, mais dans celles en massues arrondies, comme dans la Raja clavata, les séries verticales sont si rapprochées qu'il en résulte des rangées obliques très-saillantes, tandis que dans la R. Batis et consortes, les séries de dents sont assez éloignées les unes des autres, pour faire perdre de vue la disposition en quinconce; il n'y a que les séries verticales qui soient distinctes. Quant á leur forme, les dents de ces deux types se lient par leurs extrêmes, car dans quelques espèces les dents internes du premier type sont terminées par une petite pointe au bord postérieur, tandis que dans le second type les dents externes sont réduites á de petites plaques arrondies, sur le milieu desquelles on aperçoit á peine une proéminence. Mais ces transitions n'infirment pas les différences signalées, puisque dans les Raies du premier type c'est du bord que s’élève l'épine, tandis que dans le second, c'est toujours du milieu de la plaque.
Les dents des Torpilles sont assez semblables aux dents antérieures du arêtes; elles ressemblent aussi beaucoup á celles des description, si caractéristiques pour les terrains secondaires de la formation du Muschelkalk et du Jura. En général il est très-remarquable que les Raies, dont le développement est postérieur á celui des Squales du groupe des Cestraciontes et des Hybodontes, se rattachent par tant de caractères à ces groupes aberrans de la famille des Squales, et que les véritables Squales ne deviennent plus nombreux qu'après l'apparition du type des Raies.
Si j'ai figuré les mâchoires du Rhina Ancylodon Gray. Tab. H. fig. 3 et 4, c'est bien plutôt pour signaler les différences qui existent entre les dents de ce genre et celles des genres Onchus et Ptychodus, que pour servir de terme de comparaison avec quelque espèce fossile rapprochée. Je reviendrai sur ces figures lorsque je décrirai les espèces de Ptychodus, si caractéristiques pour les terrains crétacés, et que l'on a tantôt prises pour des dents de Diodon, tantôt pour des dents de Raies voisines des là, bien qu'elles constituent un genre tout-à-fait distinct, qui n'a d'analogie qu'avec les Cestraciontes.
Dans la famille des Squales, il y a un bien plus grand nombre de groupes naturels qui ont eu des représentans á différentes époques du développement de la vie organique sur notre globe; et l'étude de la dentition de ces groupes est d'autant plus importante pour la géologie, que l'on trouve un très-grand nombre de ces dents isolées dans tous les terrains fossilifères. En raison de son intérêt paléontologique, je placerai le genre Cestracion en première ligne, parce qu'il est maintenant l'unique représentant d'une famille nombreuse dont les premiers types remontent aux époques les plus reculées, et qui ont même été du nombre des premiers représentans de l'embranchement des vertébrés.
Les formes qu'affectent les dents de Placoides sont si diverses, qu'il paraîtra peut-être prématuré de chercher á les rapprocher et á les grouper ainsi d’après leur dentition, surtout quand on réfléchit á la variabilité des dents de Raies. Cependant chez les Squales ces caractères sont plus constans; ce sont même les meilleurs que l'on puisse assigner aux genres, surtout lorsqu'il s'agit d'y ranger les espèces fossiles, dont les dents sont souvent les seules parties qui aient été conservées.
Devant maintenir la plupart des grandes divisions que l'on a établies dans l'ordre des poissons cartilagineux, je me bornerai á subdiviser en familles plus restreintes celles que je fais rentrer dans mon ordre des Placoides, savoir: les Pétromyzontes, les Chimères, les Squales et les Raies; transférant les Acipenser á l'ordre des Ganoides. Les Squales, qui sont les plus nombreux, se subdivisent facilement, d’après le type de leur dentition, en trois groupes qui sont: les Cestraciontes, avec des dents en pavé; les Hybodontes, avec des dents saillantes, plus ou moins arrondies, et les Squalides que l'on peut subdiviser encore, avec des dents tranchantes.
Le genre Cestracion, type de la famille des Cestraciontes, est un de ceux dont il importe le plus de connaître la dentition pour déterminer les espèces fossiles des terrains anciens qui, pour la plupart, s'en rapprochent d'une manière frappante. On ne connaît encore qu'une seule espèce de Cestracion, vivant dans les parages de la Nouvelle-Hollande, et désignée vulgairement sous le nom de Squale du port Jackson. Elle a été figurée en premier lieu dans le Voyage de Philipp, planche et page 283. M. Lesson en a donné une nouvelle figure dans le Voyage de la Coquille, Zool. vol. 2, pl. 2. Enfin j'en ai représenté en détail les mâchoires et les dents vol. 3, tab. D. fig. 11, 12, 13-19.
La forme des mâchoires est assez particulière en ce que leurs branches s'allongent considérablement en avant, ce qui constitue une différence très-marquée entre le genre Cestracion et certaines Raies qui ont aussi des dents en pavés, comme par exemple le Rhina Ancylodon Gray, dont les fig. 3 et 4, tab. H. représentent les mâchoires. Dans le genre Cestracion, les deux branches des mâchoires ne se confondent pas non plus complètement comme dans le genre Rhina, bien qu'il y ait une rangée impaire de dents sur leur symphyse, fig. 13, D; on distingue toujours les séries verticales que forment les dents du même degré, placées les unes derrière les autres, tandis que chez les Rhina ce sont les séries obliques qui prévalent. Les dents de la partie antérieure des mâchoires sont aussi beaucoup plus petites, dans le genre Cestracion, que celles des côtés; mais chez les Rhina, celles de la mâchoire supérieure sont seules plus petites, et celles de la mâchoire inférieure sont de beaucoup les plus grandes, puis il y a encore á la mâchoire supérieure et á la mâchoire inférieure deux grands bourrelets de grandes dents, correspondant á des échancrures de la mâchoire opposée où les dents sont plus petites; les dents antérieures de Cestracion sont en outre plus pointues, c'est-à-dire, que la partie moyenne de la couronne s’élève en forme de pointe mousse plus ou moins saillante, tandis que celles des côtés des mâchoires sont simplement bombées et portent une simple côte plate sur le milieu de leur longueur; les dernières dents sont même toutes plates; celles de Rhina sont également obtuses. Les rangées que forment ces dents ne sont pas exactement verticales; convergeant vers l'intérieur de la gueule, comme dans les Squales ordinaires, elles sont au contraire obliques et même arquées en arrière, d'où il résulte des séries hélicoïdes, formant quatre grands bourrelets fusiformes, fig. 11. o.o. et o'o', qui agissent les uns sur les autres comme des rouleaux á pression. On voit surtout bien cette disposition générale des dents dans la fig. 13, qui représente la mâchoire inférieure vue d'en haut, et mieux encore dans la fig. 11, où les deux mâchoires sont représentées dans leurs l'apports naturels, vues par derrière. Dans la fig. 12, les rangées de dents se voient en profil, et l'on remarque comment les dents se succèdent de dehors en dedans. Quant á la structure des dents, elle est semblable à celle des dents de Myliobates, c'est-à-dire, que la racine est osseuse et poreuse, comme le fait voir la coupe longitudinale, fig. 14, et la coupe transversale, fig. 15, d'une grande dent du côté de la mâchoire; cette racine est séparée de la couronne par un étranglement plus ou moins marqué, que l'on remarque également dans ces deux figures. La couronne elle-même paraît composée de fibres verticales ou de petits tubes, plus fins et plus denses vers la surface, où ils forment comme une couche d'émail, représentée par la zone blanche du bord des fig. 14 et 15. Les fig. 17 et 18 représentent deux dents antérieures grossies, l'une, fig. 17, prise en c. de la fig. 13, l'autre, fig. 18, en o". La première se rapproche davantage par sa forme des dents de Squales, cependant sa base rugueuse la ferait toujours reconnaître pour une dent de Cestracionte, même lorsqu'on la trouverait isolée; la seconde passe déjà plus complètement á la forme ordinaire des dents de Cestracionte: placée sur le côté antérieur de la mâchoire, la partie saillante qui formait une pointe dans les dents plus avancées, n'est plus qu'une arête proéminente entourée de rugosités et de plis divergeant vers le pourtour de la couronne. Les grandes dents o. sont plus plates encore; au lieu arête saillante, il n'y a plus á leur surface qu'une faible côte longitudinale plate et un peu plus lisse que le reste de la surface de la couronne, qui est complètement rugueux et présente une sorte de réseau de rides et d'aspérités inégales. Enfin les dents postérieures o' sont entièrement plates, c'est á peine si l'on y retrouve quelques traces d'une côte médiane; en revanche les rugosités de leur surface sont plus grossières. La disposition de ces dents est telle, que malgré l'inégalité de leur forme elles recouvrent complètement la surface supérieure et intérieure des mâchoires, en s'engageant les unes dans les autres, par leurs bords.
Dans le genre Mustelus, toutes les dents sont de forme à-peu-près égale, arrondies, faiblement plissées transversalement et disposées en quinconce. On ne remarque aucune différence entre les dents de la mâchoire supérieure et celles de la mâchoire inférieure. Les Mustelus sont des Cestraciontes sans épines aux nageoires dorsales et á dents uniformes.
Parmi les Squales qui ont des dents semblables aux deux mâchoires, le groupe des Scyllium se distingue d'une manière toute particulière, en ce que la dorsale antérieure n'est jamais placée en avant des ventrales. Ils n'ont pas de membrane nictitante, mais bien des évents et cinq ouvertures branchiales, dont les dernières se trouvent au-dessus de l'insertion des pectorales. Leurs dents ont ce caractère commun, d'avoir leur base plus ou moins plissée; ce qui les rapproche de beaucoup de celles des Hybodes. Outre la pointe médiane, qui est plus ou moins arrondie, il se développe ordinairement aussi sur leurs côtés une ou deux et même plusieurs petites dents latérales, très-acérées dans les Scyllium, mais plutôt arrondies dans les Hybodus, où elles affectent davantage le caractère de la dent principale; dans ce dernier genre la dent principale et les petites dents latérales sont même souvent réduites á la forme de simples bosses. Dans le genre Scyllium proprement dit, tel que MM. Müller et Henle l'ont restreint, et dans le genre Pristidurus Bon., les dents ont une pointe principale et une ou deux petites pointes latérales. Dans le genre Hemiscyllium M. et H. elles sont tricuspidées; dans le genre Chiloscyllium M. et H. (Orectolobus B.), elles ont une ou deux dentelures outre la dent principale qui est pointue. Dans le genre Crossorhinus M. et H., les dents sont plates et pointues, et leur racine est trilobée. Dans le genre Ginglimostoma M. et H. (Nebrius Rüpp.), elles sont très-nombreuses, jusqu’à dix dans une rangée, á base rhomboïdale, avec une pointe conique médiane et deux á quatre dents latérales obtuses qui vont en diminuant de grandeur sur les côtés. Celles du genre Stegostoma M. et H., sont tripartites. Lorsque mes figures 11 et 12, tab. E, données comme exemples de dents de Scyllium, ont été dessinées, les espèces dont elles proviennent n'étaient pas déterminées, et je ne sais maintenant auxquelles des nombreuses espèces décrites par MM. Müller et Henle il faudra les rapporter. Celles de la fig. 11, me paraissent cependant provenir d'un Chiloscyllium, et celles de la fig. 12 d'un vrai Scyllium. Les Triaenodontes, qui diffèrent surtout des Scyllium par la présence d'une membrane nictitante et par la position de la première dorsale, ont comme eux des dents à petites pointes latérales.
Les Lamies forment un autre groupe qui se rattache aux Scyllium par le nombre des nageoires, mais dont la première dorsale est toujours en avant des ventrales. Leur dentition les lie également aux Scyllium. Gomme eux ils ont une pointe médiane et le plus souvent une ou plusieurs petites dents latérales; mais ils en diffèrent cependant sensiblement par la forme générale de ces dents, dont les bords sont plus ou moins tranchans, la surface extérieure étant plus ou moins plate, ce qui donne à la dent principale une forme presque triangulaire, mais dont les côtés postérieurs s'arrondissent en se joignant. Les bords tranchans s'étendent plus ou moins sur les côtés et s'y relèvent souvent sous la forme d'une arête saillante ou d'une et même de plusieurs petites dents plus ou moins détachées de la dent principale et ordinairement tranchantes comme elle. Dans aucun genre de ce groupe, tel que je le limite, les dents ne sont dentelées sur leurs bords; mais pour que ce dernier caractère fût exact, j'ai dû reporter au groupe des Carcharias le genre Carcharodon de Smith que l'on en avait éloigné, parce qu'il est dépourvu de membrane nictitante, que ses ouvertures branchiales sont toutes en avant des pectorales, et qu'il y á une fossette á la base de la caudale; mais dans le genre Odontaspis qui a d'ailleurs tous les caractères des vraies Lamies, cette fossette manque aussi, et dans le genre Alopecias la dernière ouverture branchiale est au-dessus des pectorales, bien que l'on ne puisse pas non plus l'éloigner des Lamies. Quant á la membrane nictitante, elle ne me paraît pas être un caractère de plus grande importance que les dents, puisqu'on y ayant égard on serait forcé de séparer entièrement les genres Mustelus et arêtes. Le genre Lamna, tel qu'il est limité maintenant, comprend les espèces à très-petits évents dont la tète est allongée et conique, et dont les dents triangulaires, á base assez large, portent une petite dent latérale également élargie, tendant même á se diviser en deux; la dent médiane est plate en dehors, arrondie en dedans, et se termine rapidement en une pointe acérée. Une particularité de la dentition de ce genre, c'est que la 3° et quelquefois la 4° la 5° dent de la mâchoire inférieure est sensiblement plus petite que les autres, tandis qu'à la mâchoire supérieure les dents, á l'exception de la première qui est plus petite que les suivantes, vont en diminuant uniformément de grandeur jusqu’à la partie postérieure de la gueule, où elles sont très-petites et á peine surmontées d'une pointe saillante. Le type de ce genre est le Lamna cornubica, dont j'ai fait représenter quelques dents isolées tab. A. fig. 3 a, 3 b, 3 c, 3 d. Le genre Oxyrhina Ag., comprend des Lamies de forme semblable, mais dont les dents, plus simples et proportionnellement plus grandes, sont dépourvues de petites dents latérales. La pointe principale s’élève uniformément des bords de la racine, en se rétrécissant insensiblement et plus ou moins rapidement suivant la position des dents sur la mâchoire. Celles du bord antérieur sont plus effilées et plus longues que celles des côtés qui sont proportionnellement plus larges á la base; en arrière elles deviennent insensiblement plus petites et plus courtes, si bien que les dernières sont à-peu-près triangulaires. La 3° dent de la mâchoire supérieure est sensiblement plus petite que celles entre lesquelles elle est placée. Les fig. 2. 2 a, 2 b, 2 c et 2 d, représentent la rangée extérieure des dents des deux mâchoires et quelques dents isolées d'une espèce inédite de ce genre, dont je n'ai vu que les mâchoires détachées, au Muséum de Paris. C'est le Lamna oxyrhina Cuv. et Val. (Msc.) Le genre Alopias Raf. (Sq. Vulpes L.) a aussi des dents simples, triangulaires, très-semblables á celles du genre Oxyrhina; seulement elles sont plus comprimées. Ce qui distingue surtout ce genre, c'est le prolongement excessif du lobe supérieur de la caudale. Le genre Odontaspis Ag. (Triglochis Müll. et difficultés., Carcharias ferox Risso) a une dentition très-remarquable; toutes les dents, surtout celles de la partie antérieure des mâchoires, sont très-effilées et munies de deux petites dents latérales également acérées. La première dent, aux deux mâchoires, est plus petite que les suivantes qui sont les plus grandes, et qui vont en diminuant insensiblement á la mâchoire inférieure, tandis qu'à la mâchoire supérieure les 4°, 5°, 6° et 7° sont aussi petites et même plus petites que la première; puis reviennent de grandes dents qui vont ensuite en diminuant insensiblement comme á la mâchoire inférieure. Quoique la différence ne soit pas très-sensible, il est cependant évident que les dents de la mâchoire inférieure sont plus effilées que celles de la mâchoire supérieure. Les fig. 1. 1 a, 1 b, 1c et 1 d, représentent la rangée extérieure des dents des deux mâchoires et quelques dents isolées de l'espèce type du genre. Le Squalus maximus, type unique du genre Selache de Cuvier, a des dents remarquablement petites, proportionnellement á sa grande taille. Elles sont simples, courtes, coniques, sans petites dents á la base, contournées et courbées en dedans; leur base osseuse n'est pas aussi large que celle des dents de la plupart des autres genres, c'est simplement un bourrelet renflé et échancré dans sa partie inférieure, et qui ressemble á celui des dents de la Baudroie (Lophius piscatorius.) Malgré ces anomalies dans la forme de ses dents, c'est bien évidemment des Lamies que le Selache se rapproche le plus.
De tous les Squales, ce sont les genres Selache et Carcharias dont il importe le plus de connaître la dentition, quand on veut évaluer la taille des espèces fossiles dont on ne connaît que les dents, car dans aucun autre genre les proportions ne diffèrent autant entre les dimensions des dents et celles du corps; en effet, ce sont les Carcharias qui ont proportionnellement les plus grandes dents, et le Selache qui a les plus petites. Aussi doit-on bien se garder d'apprécier la taille des Squales dont proviennent les grandes dents fossiles, triangulaires et dentelées, que l'on trouve surtout dans les terrains tertiaires supérieurs, d’après les rapports qu'ont ces dents avec celles du Selache ou de tel autre genre qui les a aussi petites, pour leur assigner faussement une taille gigantesque et élever leur grandeur jusqu’à celle des Cétacés les plus corpulens. Il importe au contraire de s'assurer á l'avance si tel ou tel type de dent fossile appartient á un groupe où les espèces ont des dents proportionnellement grandes ou petites; et de la différence que l'on remarquera entre les dents fossiles et celles des espèces vivantes d’un même typ, l'on pourra conclure avec plus ou moins de vraisemblance á la taille des espèces fossiles. En procédant ainsi, on peut se convaincre que les Carcharias fossiles, bien que plus grands en général que les espèces vivantes, sont loin d'avoir atteint les dimensions gigantesques qu'on s'était plu á leur attribuer.
Le groupe des Carcharias, pour lesquels le Prince de Musignano a conservé le nom de Squales que d'autres ichthyologiques préfèrent ne plus employer que pour désigner la famille toute entière, ce groupe, dis-je, est caractérisé par des dents triangulaires, plus ou moins larges á leur base, comprimées, á bords tranchans et tantôt lisses, tantôt dentelés, ayant leur pointe droite ou plus ou moins inclinée en arrière, et dans ce dernier cas, souvent l'un des bords des dents dentelé différemment de l'autre. D'ailleurs les Carcharias, á l'exception du genre Carcharodon Smith, ont une membrane nictitante, et la dernière et même quelquefois les deux dernières ouvertures branchiales au-dessus des pectorales, caractères qui ne me paraissent pas de la première importance, ce qui justifierait le rapprochement que je fais des Carcharodon et des Carcharias. Ils ressemblent encore beaucoup aux Lamies par leur dentition, les dents étant en général seulement plus larges et plus triangulaires, abstraction faite de la dentelure lorsqu'elle existe. Le nombre et la position des nageoires les rapproche également des Lamies, la première dorsale étant placée en avant des ventrales, et la seconde opposée á l'anale; les évents manquent ou sont très-petits. Dans le genre Carcharias proprement dit, les dents sont toujours comprimées, triangulaires, acérées et dentelées sur leurs bords, du moins celles de la mâchoire supérieure dont la base est habituellement plus large que celle des dents de la mâchoire inférieure, qui dans la plupart des espèces sont plus effilées, moins fortement dentelées et même lisses. Sur la symphyse des deux branches des mâchoires, il y a en haut et en bas une dent impaire, qui est ordinairement beaucoup plus petite que les suivantes, qui vont en diminuant insensiblement de grandeur en arrière, en même temps qu'elles deviennent proportionnellement plus courtes; ce qui fait que les dents postérieures sont toujours moins allongées que les dents antérieures. On remarque généralement aussi que les dents de Carcharias ont une tendance á incliner leur pointe en arrière, d'où il résulte que le bord postérieur est plus échancré que le bord antérieur, ce qui fournit ordinairement un moyen de déterminer si les dents fossiles que l'on trouve isolées, proviennent de la mâchoire supérieure ou de la mâchoire inférieure. Afin de donner une idée des différences spécifiques que présentent les dents des vrais Carcharias, j'en ai fait représenter de plusieurs espèces tab. F. vol. 3. Les fig. 1, 1 a, et 1 b, représentent celles du Carcharias glaucus Cuv. (Sq. glaucus L.), qui sont en forme de triangles curvilignes, et courbées en arrière á la mâchoire supérieure, tandis que celles de la mâchoire inférieure sont plus droites; la dent antérieure impaire est plus grande á la mâchoire supérieure qu'à la mâchoire inférieure, et arquée en sens inverse. Toutes ces dents sont également dentelées et vont en diminuant insensiblement d'avant en arrière; il y a cependant cette différence notable entre les dents des deux mâchoires, c'est que celles de la mâchoire supérieure ont la pointe de plus en plus inclinée en arrière vers l'angle de la gueule, tandis que celles de la mâchoire inférieure deviennent de plus en plus droites. Dans une seule espèce inédite, fig. 2, 2 a et 2 b envoyée au Muséum de Paris par Duvaucel, les dents des deux mâchoires sont également droites, et c'est á peine si le bord postérieur est plus évasé que le bord antérieur; mais celles de la mâchoire supérieure sont plus larges que celles de la mâchoire inférieure, et vont en diminuant insensiblement de grandeur, tandis que les inférieures vont en croissant jusqu’à la 5° ou 6°, qui a sa pointe légèrement inclinée en arrière, pour diminuer ensuite; les deux dents antérieures impaires sont également petites; les dents postérieures de la mâchoire inférieure sont plus courtes que celles de la mâchoire supérieure, proportionnellement á la largeur de leur base. Les dents du Carcharias melanopterus, Q et G, fig. 4 a – 4 f, présentent des différences analogues; les dents impaires 4 a et 4 d sont également petites; celles de la mâchoire supérieure 4 b et 4 c sont plus larges que celles de la mâchoire inférieure 4 e et 4 f, et ont leur pointe faiblement inclinée en arrière, tandis que les inférieures sont parfaitement érectes. Dans une autre espèce inédite, fig. 6 a -6 f que je dédierai á M. Valenciennes, á qui j'ai dû toutes les facilités possibles pour étudier la dentition des Plagiostomes du Musée de Paris, les dents de la mâchoire supérieure sont également plus larges que celles de la mâchoire inférieure; mais cette espèce se distingue en ce que, dans les deux mâchoires, les dents antérieures 6 a et 6 d qui sont parfaitement érectes, sont plus petites que les dents des côtés 6 b et 6 e, dont la pointe est légèrement inclinée en arrière, et que les dents postérieures de la mâchoire supérieure 6 c, sont non-seulement beaucoup plus larges que les inférieures 6 f, mais encore fortement arquées en arrière, tandis que les inférieures sont érectes. Dans une autre espèce inédite, fig. 5 a - 5 f, capturée pendant une traversée du Brésil á Brest, et apportée au Muséum de Paris par M. Brack, les dents de la mâchoire supérieure, 5 a, 5 b, 5 c, sont aussi proportionnellement plus larges que celles de la mâchoire inférieure, 5 d, 5 e, 5 f; mais ce qui distingue surtout celte espèce, c'est que la différence de largeur entre les dents des deux mâchoires est encore plus sensible, que celles de la mâchoire inférieure se rétrécissent plus subitement et qu'elles sont toutes érectes. Au moyen de ces termes de comparaison, pour peu que l'on possède un certain nombre de dents de chaque localité, il sera toujours facile de déterminer si des dents fossiles trouvées dans différentes localités appartiennent á la même espèce, ou si elles constituent des espèces différentes. Pour s'en assurer, il suffira d'examiner si les dents trouvées ensemble présentent dans les deux localités les mêmes séries de variations, ou si, dans l'une des localités, des dents, d'ailleurs semblables á celles de l'autre localité, sont accompagnées de modifications analogues á celles que l'on trouve dans quelqu'une des espèces vivantes, mais qui ne se retrouveront pas dans l'autre localité. Il n'y aurait que le cas où l'on trouverait des dents de plusieurs espèces pêle-mêle, dans un même gisement, qui rendrait une pareille comparaison très-difficile et la séparation complète des dents des différentes espèces tout-à-fait impossible; mais comme il est probable que l'on finira toujours par trouver quelque localité où telle ou telle espèce se rencontrera seule, l'on peut espérer que si l'on commet de prime abord quelque erreur de ce genre, elle pourra être rectifiée avec le temps: je ne crains même pas, avec les matériaux incomplets que je possède, d'assigner dès-à-présent des noms spécifiques á tous les types de dents fossiles que j'ai observés jusqu'ici. Si l'on parvient plus tard á démontrer que plusieurs de mes espèces doivent être réunies, surtout lorsqu'on aura trouvé des pièces plus complètes que celles que j'ai examinées, et notamment des fragmens où deux de mes types se trouveraient réunis sur la même pièce, je serai le premier à reconnaître ce dont j'ai déjà une profonde conviction, c'est qu'il reste encore beaucoup á faire pour compléter l'histoire des Placoides fossiles. Cependant, la possibilité de ces erreurs momentanées ne saurait me faire penser que les conclusions tirées de l'analogie que présentent entre elles les parties détachées de tel ou tel fossile doivent être rejetées d'une manière absolue, comme quelques paléontologistes commencent á l'affirmer depuis quelque temps, parce qu'ils ont eu la bonne fortune de rectifier quelques fautes commises par Cuvier, dans ses Ossemens fossiles j dans l'application de ce principe. Si l'on s'expose á commettre des erreurs en reconstruisant tel ou tel animal fossile, d’après l'analogie que présente quelqu'une de ses parties avec d'autres espèces bien connues, c'est lorsqu'on le fait même pour des cas où l'analogie est très-éloignée et pour des types dont l'organisation en général est encore très-peu connue. Aussi importe-t-il beaucoup, pour éviter á l'avenir de pareilles erreurs, d'étudier avec le plus grand soin les rapports des parties des types bien connus entre elles, puis de comparer ces types entre eux, pour apprendre dans quelles limites les analogies peuvent conduire á des résultats surs. Ici encore la question de l'unité et de la diversité de forme et de composition se présente de nouveau, mais sous une autre forme, dans ses rapports avec les études paléontologiques.
Le genre Carcharodon diffère peu des vrais Carcharias par ses dents, qui sont également triangulaires, comprimées et dentelées sur les bords, et ne présentent d'autre différence notable que celle d’ètre plus uniformes, plus généralement érectes, de ne point présenter de série impaire de dents plus petites sur la symphyse des deux branches des mâchoires, de décroître plus régulièrement de la partie antérieure au bord postérieur de la gueule, avec cette exception cependant que la 3° dent des deux mâchoires est un peu plus petite que ses voisines. Le type de ce genre est le Carcharodon Smithii Müller et Henle dont j'ai représenté les séries extérieures des dents des deux mâchoires tab. F. fig. 3, 3 a, 3 b, 3 c, sous le nom de Carcharias verus. La fig. 3 a représente une de ces dents vue par sa face extérieure, on y distingue très-nettement l'amincissement des bords antérieur et postérieur, qui sont dentelés, et la racine osseuse que la couche émaillée ne recouvre pas. Cette couche émaillée se termine au-dessus de la base de la racine par une ligne transversale plus ou moins échancrée, et dont l'échancrure varie peu dans les dents d'une même mâchoire, ensorte qu'elle peut jusqu’à un certain point servir de caractère distinctif. La racine elle-même remplit tout l'intérieur du côté de la dent dune manière uniforme, comme on le voit dans une section verticale et longitudinale, fig. 3 b, et dans une section verticale d'avant en arrière, fig. 3 c. Ces figures montrent encore que la couche émaillée est fort mince. Dans le genre Sphyrna Rafi. (Zygaena Cuv.) les dents sont très-semblables á celles des vrais Carcharias; seulement leur pointe est généralement plus inclinée vers l'angle de la gueule; les dentelures des bords sont moins sensibles, on trouve même des dents entièrement lisses entre des rangées de dents dentelées; enfin le bord postérieur de la base forme une saillie arrondie en arrière. La fig. 7 représente les rangées extérieures des dents des deux mâchoires du Zygaena Maliens Cuv. Les fig. 7 a et 7 b en sont des dents détachées. Les figures 8 et 8 a représentent celles du Zygaena Tudes, qui n'est probablement qu'un jeune, et la fig. 9 celles du Zygaena Tiburo, qui sont plus petites et plus fortement inclinées. Dans le genre Scoliodon Müll. et Henl., les dents ressemblent beaucoup á celles des Zygaena, mais elles sont toujours lisses et égales dans les deux mâchoires; elles ont aussi une saillie arrondie au bord postérieur de la base, qui est tantôt dentelée, tantôt lisse, comme la dent. Les dents du genre Galeocerdo Müll. et Henl. ont leur bord postérieur fortement dentelé, tandis que le bord antérieur l'est finement. Il en est de même des dents du genre Galeus Cuv. dont les fig. 5 et 6, tab. E, donnent une juste idée-, l'espèce figurée est le Galeus cepedianus Cuv. Règn. Anim.j qui vient des Indes orientales. Ces dents sont semblables dans les deux mâchoires, la première est un peu plus petite que les suivantes, qui vont en diminuant insensiblement en arrière. Le trait caractéristique de ces dents est d'avoir au bord postérieur une écli-ancrure plus ou moins considérable, qui fait que ce bord se prolonge en arrière comme un talon á grosses dentelures, tandis que le bord antérieur est finement dentelé j la pointe principale est arquée en arrière. Je ne connais pas exactement la dentition des genres Thalassorhinus Val., Physodon Val. et Loxodon Müll. et Henl.
Le genre Notidanus de Cuvier forme aussi un groupe très-naturel, caractérisé par une seule dorsale et par un nombre d'ouvertures branchiales plus considérable que dans les autres groupes (il y en a plus de 5), et qui se rapproche des Carcharias par la dentition, surtout par la forme des dents de la mâchoire inférieure. En effet, ces dents sont comprimées et dentelées á leur bord; semblables á celles des Galeus, elles ont leur bord antérieur finement dentelé, tandis que le bord postérieur est muni de grosses dents qui vont en diminuant en arrière, ce qui leur donne l'apparence d'un peigne á dents obliques. Celles de la mâchoire supérieure sont plus simples, les antérieures sont même simplement coniques et arquées en arrière sans dentelures; mais les suivantes sont d'abord finement dentelées au bord antérieur, puis plus en arrière elles ont une forte écli-ancrure en forme de dent, puis plusieurs fortes dents dont les dernières deviennent plus petites. Sur le milieu des côtés de cette mâchoire elles ont la même forme que celles de la mâchoire inférieure, seulement elles sont en somme plus courtes et par conséquent plus nombreuses, et la dent antérieure se détache plus fortement que les suivantes, á l'instar des dents du genre Galeus. Les dents postérieures, vers la jonction des deux mâchoires, sont de plus en plus petites; elles finissent par n'avoir plus de pointes et par ne présenter que de petits mamelons ridés et obtus; sur la symphyse des branches de la mâchoire inférieure il y a une dent impaire, également dentelée des deux côtés, mais dont le sommet est un tranchant transversal. J'ai fait représenter tab. E, fig. 1, 2, 3 et 4, les rangées extérieures des deux mâchoires et quelques dents détachées de deux espèces de ce genre. Celles de la fig. 1 proviennent du Notidanus indicus, rapporté des Indes orientales par MM. Quoy et Gaymard; celles des fig. 2, 3 et 4, du Notidanus griseus de la Méditerranée; la fig. 3 représente une dent détachée, et la fig. 4 une série complète de dents placées les unes derrière les autres; celle qui est érecte est dressée sur le bord extérieur de la mâchoire; celles qui ont leurs dentelures tournées en bas sont des dents de remplacement, couchées derrière celle qui est debout sur le bord de la mâchoire. La première d'entre elles est déjà complètement formée; la troisième beaucoup plus étroite l'est beaucoup moins, et la quatrième, qui commence á se développer, ne représente qu'une calotte, dont la crète est dentelée, mais dont la racine n'est point encore formée. Pour ramener les dents des Notidanus et des Galeus au type ordinaire des Carcharias et des Squales en général, il suffit de les envisager comme des cônes fortement comprimés, dont la pointe est très-inclinées en arrière et dont les bords sont par conséquent très-inégaux et aussi inégalement dentelés. La pointe antérieure correspond ainsi á la pointe principale des dents ordinaires de cette famille. La grande différence qui existe dans ce groupe entre les dents de la mâchoire supérieure et celles de la mâchoire inférieure, doit rendre très-circonspect dans rétablissement des espèces fossiles, lorsqu'on ne possède que des dents éparses. En se fondant sur le nombre des ouvertures branchiales, Rafinesque a établi deux genres dans ce groupe, le genre Hexanchus Raf., avec 6 ouvertures, auquel on devra conserver le nom de Notidanus, en y comprenant l'espèce la plus ancienne, le Squalus griseus L., et le genre Heptranchias Raf., avec 7 ouvertures branchiales, qui comprend le Squalus cinereus Gm. En adoptant ces deux genres, le prince de Musignano leur a en outre assigné un autre bon caractère tiré de la forme des dents: dans le Sq. griseus, c'est la première pointe qui est la plus grande aux dents de la mâchoire inférieure; dans le Sq. cinereus, c'est la seconde.
Le groupe suivant comprend les Spinax et les Scymnus, qui ont cela de commun d’ètre dépourvus d'anale, mais d'avoir deux dorsales, et qui diffèrent les uns des autres par la présence ou l'absence de rayons épineux aux dorsales. Sous ce dernier rapport les Spinax et les Scymnus sont l'un á l'autre comme les Mustelus et les Cestracions.La dentition des différons genres varie singulièrement, ensorte qu'il est difficile de leur assigner un caractère commun, si ce n'est celui de cette grande diversité qui les fait sortir des types ordinaires. En général, les dents de la mâchoire supérieure sont plus petites et plus simples, excepté dans les genres Acanthias et Echinorhinus, où elles sont semblables; celles de la mâchoire inférieure sont ordinairement comprimées et proportionnellement très-larges. Dans le genre Acanthias Bon. (Squalus Acanthias L.) tab. E, fig. 10, les dents des deux mâchoires sont très-comprimées et la pointe fortement inclinée en arrière, ensorte que le côté tranchant est entièrement formé par le bord antérieur; un caractère particulier de ce genre, c'est que la couche émaillée descend sur le milieu de la racine en forme de bourrelet ou d'arc-boutant. J'ai fait représenter en outre tab. B, fig. 6, les mâchoires du Spinax (Acanthias) Blainvillei Risso, dont les dents ont la pointe un peu plus saillante que celles de l'espèce commune. Ces dents se rapprochent de celles des Marteaux (Zygaena) parla forme très-inclinée de leur cône dentaire et de celles des Anges (Squatina) par le bourrelet de leur racine. Le genre Spinax Bon. diffère essentiellement du genre Acanthias, par la forme des dents de la mâchoire supérieure qui sont tricuspidées comme celles des Scyllium. J'ai fait représenter celles du Spinax niger tab. B. fig. 5. Dans le genre Centrina, les dents de la mâchoire inférieure sont feuilletées, triangulaires, coniques et comprimées; leur bord est finement dentelé, le bord inférieur de la partie émaillée est fortement échancré, la base de la racine presque droite; sur la symphyse des deux branches de la mâchoire, il y a une dent impaire parfaitement équilatérale, tandis que dans les autres dents le bord antérieur est un peu plus incliné que le bord postérieur; les dents de la mâchoire supérieure sont coniques, étroites, et presque arrondies, elles ont leur pointe légèrement contorte et inclinée en arrière. Cette dentition est fort semblable á celle des Scymnus. Dans le genre Centrophorus Müll. et Henl. (Squalus granulosus Schn.), les dents de la mâchoire inférieure sont très-inclinées en arrière, et leur bord supérieur est faiblement dentelé; celles de la mâchoire supérieure sont équilatérales, aigues et entières.
Les Scymnus ont á la mâchoire supérieure des dents étroites, subulées, inclinées en arrière et fortement échancrées á leur base. Elles sont lisses á leurs bords et ont en général beaucoup de rapport avec celles qui se trouvent en avant de la mâchoire supérieure dans les Notidanus. Les dents de la mâchoire inférieure, tab. F, fig. 7, diffèrent considérablement des supérieures et sont surtout remarquables par leur mode d'insertion. La partie émaillée forme un triangle assez régulièrement équilatéral, dont les bords sont finement dentelés; mais leur base, et surtout la racine osseuse qui les attache k la mâchoire, offre quelque chose de très-singulier. Cette racine est formée par deux grandes branches parallèles, aussi longues que le reste de la dent, séparées l'une de l'autre par une fente dilatée en rond vers la partie émaillée. Mais ce qu'il y a de plus particulier encore, c'est que ces dents se recouvrent successivement l'une l'autre par leur côté postérieur, qui déborde le plan principal de la dent á l'angle inférieur postérieur du cône principal, et s'applique sur le bord échancré inférieur de la dent suivante, á son angle antérieur correspondant. A partir d'une dent centrale qui, á la symphyse des mâchoires, recouvre les bords antérieurs de ses voisines, toutes les dents forment d'avant en arrière une série de cônes dentelés, imbriqués par leurs bases, de manière que le bord postérieur d'une dent antérieure recouvre toujours le bord antérieur de la dent suivante; il y a ainsi dans la mâchoire inférieure cinq rangées de dents semblables, placées les unes derrière les autres. Dans le genre Lepidorhinus Bon. les dents sont toujours aigues; mais dans le genre Laemargus Müll. et Henl., les dents de la mâchoire supérieure sont seules étroites, coniques, droites en avant et arquées en arrière, sur les côtés et vers l'angle de la gueule; celles de la mâchoire inférieure sont fortement comprimées et arquées en arrière de manière á former un bord tranchant horizontal. Mais de tous les Squales de ce groupe, c'est le Sq. spinosus Schn, le même qui a servi de type au genre Echinorhinus Blainv. (mon genre Goniodus), qui a la dentition la plus curieuse. Les dents des deux mâchoires, tab. E, fig. 13, sont également conformées; fortement comprimées, elles ont leur pointe tellement inclinée en arrière, que le bord antérieur devient un tranchant horizontal, à-peu-près comme dans le genre Spinax ou Acanthias, avec cette différence très-marquante cependant, que les dents de l’Echinorhinus ont en outre deux fortes pointes presque horizontales á leur bord antérieur, et une ou deux á leur bord postérieur, tout le long des côtés des mâchoires: ce n'est que vers l'angle de la gueule que les dents ont de chaque côté une pointe de moins; dans les dernières dents ces pointes disparaissent même complètement. Malgré la forme bizarre de ces dents, il est facile de voir que pour rétablir une analogie complète entre elles et celles des Squales ordinaires, il suffit d'envisager la grande pointe dirigée en arrière comme la pointe principale des dents, et les pointes latérales comme les petites dents latérales des vraies Lamna, malgré leur direction.
Enfin, on doit former un dernier groupe des Anges (Squatina), qui ont des dents très-semblables pour leur forme á celles de la mâchoire inférieure des Carcharias á dents étroites, dont la base est très-large, mais elles en diffèrent essentiellement en ce qu'elles sont entièrement lisses sur leurs bords et pourvues d'un bourrelet assez développé qui se trouve sur le milieu de leur base, á la face externe, et auquel correspond, á la face interne, une crète longitudinale arrondie. Par-là ils tiennent encore aux Spinax; d'ailleurs les Anges sont dépourvus d'anale comme le dernier groupe dont il s'est agi ici.
En passant en revue tous les Plagiostomes, comme je viens de le faire, je me suis surtout attaché á faire connaître les caractères de leur dentition; mais pour que ce tableau fut complet, j'aurais dû signaler toutes les particularités de leur organisation qui peuvent fournir de bons caractères pour fixer les limites des familles et des genres. Ces détails ne pouvant entrer dans le cadre de mon plan, je dois renvoyer ceux de mes lecteurs qui voudront approfondir ce côté du sujet, aux sources auxquelles j'aurais puisé moi-même, si je devais m'étendre au-delà des recherches spéciales que j'ai faites pour déterminer les espèces fossiles de cette classe. Ces sources sont principalement: le Règne Animal de Cuvier, la Fauna Italica du prince de Musignano, le Prospectus de MM. Müll. et. Henl. dans les Archives de Wiegmann 1837, p. 394, et 1838 p. 83, puis leur grand ouvrage sur les Plagiostomes, fol. 1838, et enfin une Tabula analytica des genres et des familles par le prince de Musignano, dans le second volume des Mém. de la Soc. des Sciences Naturelles de Neuchâtel.