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CHAPITRE XVII. DU GENRE NOTIDANUS Cuv.
Les Notidans dont M. Blainville fait sa division des Squali monopterini sont faciles á distinguer des autres Squales, en ce qu'ils n'ont qu'une seule dorsale opposée á l'espace compris entre les ventrales et l'anale, mais plus rapprochée cependant de cette dernière. Les pectorales et les ventrales sont de moyenne grandeur, quoique les premières l'emportent ordinairement un peu sur ces dernières. La caudale, en revanche, est assez longue; le lobe antérieur de cette nageoire est peu marqué, mais le lobe postérieur est coupé carrément et séparé du lobe inférieur par une fente. Il y a six ou sept ouvertures branchiales; les antérieures sont les plus longues, et les autres vont en se raccourcissant insensiblement en arrière; toutes sont antérieures aux pectorales. Les évents sont petits et percés verticalement. La tète est plate, la gueule très-fendue et arquée, avec de forts sillons á ses angles; la langue est adhérente. La membrane nictitante manque. Le tronc est fusiforme, allongé et faiblement comprimé. La ligne latérale est très-distincte; elle suit la ligne du dos, dont elle est plus rapprochée que du ventre, jusqu’à l'origine de la caudale, où elle forme un angle et se rapproche de cette nageoire. Il existe une valve intestinale en spirale.
Mais tous ces caractères, faciles á saisir dans les exemplaires vivans, ne peuvent être observés sur les espèces fossiles. J'ai donc dù accorder une importance toute particulière á l'étude des dents et rejeter, contrairement á l'opinion de MM. Müller et Henle, les distinctions génériques proposées par Rafinesque sous les noms d'Hexanchus et d' Heptranchias, distinctions qui sont basées sur le nombre des ouvertures branchiales.
Les dents du genre Notidanus, tel que Cuvier l'a délimité, sont très-variables selon la position qu'elles occupent dans la gueule, et c'est une difficulté de plus pour la détermination des dents fossiles que l'on trouve toujours isolées. Cependant en comparant entre elles des dents du même type on peut espérer d'arriver á des résultats aussi précis que ceux que l'on a obtenus pour d'autres fossiles moins démembrés.
En prenant pour guide dans la détermination spécifique la disposition des dents, telle que nous l'observons chez les Grisets, nous trouverons que chaque dent se compose d'une série de dentelons, dont le premier, qui est le plus grand, est lui-même crénelé á son bord antérieur; les dentelons suivans deviennent insensiblement plus petits, et les derniers ne représentent plus qu'une fine serrature au bord postérieur de la dent. Mais ces dentelons juxtaposés lie se réunissent pas pour former une dent composée; ils ne sont que des arêtes d'une seule et même couronne, qui est elle-même simple, puisqu'elle n'a qu'une seule racine. qui est un os extérieurement plat, avec une légère dépression longitudinale au dessous du bord de l'émail.
Les dents de la mâchoire supérieure diffèrent de celles de l'inférieure, en ce que la pointe principale y est proportionnellement plus grande et plus saillante; les antérieures sont même falciformes, c'est-à-dire qu'elles n'ont qu'une pointe saillante et que leur bord basai postérieur est arrondi; viennent ensuite quelques dents qui ont en arrière une ou deux pointes marginales, et comme le nombre de ces pointes ou dentelures postérieures va en augmentant, il en résulte que les dernières en sont hérissées sur tout leur pourtour. Dans la mâchoire inférieure, toutes les dents principales ont à-peu-près la même grandeur et la même forme; les nombreuses pointes de chaque dent vont en diminuant insensiblement d'avant en arrière, ce qui leur donne l'apparence d'un peigne oblique; les postérieures sont un peu moins hautes et plus couchées que les inférieures. Outre ces pointes, on observe sur le bord antérieur des dents les plus comprimées une dentelure plus fine et moins constante. Dans l'une et dans l'autre des mâchoires, la rangée extérieure des dents est seule érecte; deux, trois ou quatre autres rangées en voie de formation, placées derrière, sont couchées dans la gencive. Enfin il y a, á la symphise antérieure des mâchoires, en haut comme en bas, une rangée de dents impaires symétriques dont on reconnaît l'affinité avec les dents ordinaires de ce genre; car en les supposant divisées en deux moitiés, chacune aurait la forme des dents voisines ou à-peu-près. Vers l'articulation des mâchoires et en arrière des grandes dents décrites plus haut, il y a en outre de très-petites dents en pavé qui ne peuvent être comparées qu'à la partie basilaire des dents antérieures, en la supposant dépourvue de pointes.
D’après ce caractère, on pourra assigner, jusqu’à un certain point, leur place á toutes les principales dents fossiles qu'on aura reconnues appartenir á ce genre. Comme dans plusieurs autres genres, les dents de la mâchoire inférieure sont faciles á reconnaître; mais il n'en est pas de même de celles de la mâchoire supérieure, et il est certaines dents de la partie moyenne de la mâchoire supérieure qu'il est presque impossible de distinguer des dents de Galeus; dans ce cas, il faut, si l'on veut avoir une entière certitude, étudier la structure microscopique, qui, comme nous le verrons plus bas, est très-différente dans les deux genres; les Notidans ayant des dents massives, tandis que les dents des Galeus sont creuses.
Les difficultés sont les mêmes pour certaines dents moins nombreuses, de forme particulière, comme il en existe sur la symphyse des deux branches des mâchoires et vers les angles de la bouche.
Pour faciliter la comparaison de la dentition des Notidans avec celle des genres voisins, j'ai figuré la rangée externe des dents de deux espèces de ce genre, Tab. E, fig. 1-4. La figure 1 est empruntée á mon Notidanus indicus, rapporté de la mer des Indes par MM. Quoy et Gaymard, et dont MM. Millier et Henle ont donné une description très - complète et une excellente figure accompagnée de deux vues des mâchoires avec leurs dénis, sous le nom d' Heptanchus indicus.
Mes figures 2-4 représentent les dents du Notidanus griseus. La fig. 2 montre la rangée externe des dents de la mâchoire supérieure et de la mâchoire inférieure qui présentent en général les mêmes modifications que celles du Notidanus indiens. Les différences spécifiques qui distinguent ces deux espèces consistent principalement dans la plus grande longueur des dents principales de la mâchoire inférieure du Notidanus griseus, qui ont en conséquence un plus grand nombre de pointes á leur bord postérieur, et dans la forme plus effilée des dents antérieures de la mâchoire supérieure. La fig. 3 représente une des grandes dents de la mâchoire inférieure détachée, et la figure 4 une rangée de ces dents dans sa position naturelle; la dent supérieure qui est debout est celle du bord de la mâchoire, les trois autres couchées en arrière et en bas sont les dents de remplacement. Le prince de Canino a publié dans sa Fauna italica la première bonne figure que l'on possède de cette espèce. Elle habile la Méditerranée et l'Océan.
La troisième espèce connue est le Notidanus cinereus, dont le prince de Canino a également donné pour la première fois une bonne figure dans la Fauna italica. Elle habite la Méditerranée et l'Océan européen. MM. Müller et Henle ont figuré les dents de cette espèce dans leur Systematische Beschreibung der Plagiostomen. Celles de la mâchoire inférieure diffèrent notablement de celles du N. griseus, en ce qu'elles ont une pointe très-saillante á leur bord antérieur et qu'elles sont plus étroites; la dent impaire de la symphyse est proportionnellement plus grande et surmontée d'une pointe au milieu. Les dents de la mâchoire supérieure sont aussi plus grandes et plus effilées.
En comparant la dentition des deux espèces de Notidanus d'Europe, on pourrait être tenté de croire que les différences qu'elle présente justifient leur séparation générique; mais l'espèce indienne, qui a sept rayons branchiostègues, a des dents qui ressemblent beaucoup plus á celles du Notidanus griseus qui n"en a que six, qu'à celles du cinereus qui en a sept. C'est pour moi une raison de plus pour ne pas conserver les genres Hexanchus et Heptranchias.
Ce genre remonte á l'époque jurassique; il a continué d'exister durant les époques crétacée et tertiaire, et nous venons de voir qu'il compte trois espèces vivantes