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CHAPITRE XXVI. DU GENRE OTODUS Agass.
Ce genre n'est connu qu'à l'état fossile. Je l'ai établi pour certaines espèces de dents d'une forme particulière, intermédiaires entre les dents des genres Oxyrhina et Lamna, d'une part, et celles des Carcharodon, de l'autre; mais en même temps faciles á distinguer de ces deux types. Elles diffèrent des dents de Carcharodon par l'absence complète de dentelures marginales; or, malgré les doutes que l'on a élevés sur l'importance de ce caractère, je ne l'envisage pas moins comme d'une haute importance, surtout pour les dents fossiles, et au lieu d'en restreindre la valeur, je voudrais plutôt la réhausser, persuadé que je suis, que s'il peut être douteux pour quelques espèces placées aux confins des genres, il n'en est pas moins décisif pour le plus grand nombre. Il en est de ceci comme de toutes nos diagnoses; elles ne sont vraies que dans certaines limites, et c'est á la perspicacité du naturaliste á reconnaître et á sentir où ces limites se trouvent. Disons encore que les Otodus sont en général de moins grande taille que les Carcharodon, et que les plus grandes espèces n'atteignent guère que les dimensions des plus petites de ce dernier genre.
Il est plus difficile de distinguer les dents d'Otodus des dents d'Oxyrhina; elles ont à-peu-près la même forme générale, c'est-à-dire qu'elles sont larges et plates et á bords parfaitement lisses. Mais ce qui distingue cependant les Otodus, c'est la présence d'un bourrelet ou dentelon très-développé et plus ou moins aplati de chaque côté de la dent. Ce bourrelet est en général d'égale forme des deux côtés; le plus souvent arrondi, quoique comprimé et acéré, rarement anguleux ou dentelé. Les dents de Lamna et d'Odontaspis ont sans doute aussi un bourrelet latéral de chaque côté, mais il est toujours plus petit, plus cylindrique et surtout plus pointu, et les dents elles-mêmes se caractérisent par une forme élancée qui contraste trop avec la forme élargie de la plupart des Otodus. La racine acquiert un très-grand développement; elle est fort haute, très-épaisse et plus ou moins échancrée; mais elle n'a point ces cornes allongées qui caractérisent les Lamna. Il arrive souvent que la racine et les bourrelets latéraux se détachent du cône dentaire, et dans ce cas il est fort difficile de distinguer les Otodus des Oxyrhina. Nous décrirons plus bas plusieurs espèces très-bien caractérisées sous le rapport spécifique, mais qui, sous le rapport du genre, sont fort douteuses, parce qu'on n'en connaît point encore la racine complète. Mais ces difficultés résultant de l'état de conservation ne sauraient être attribuées á la diagnostique générique; aussi avons-nous tout lieu d’espérer que ces doutes finiront par disparaître á mesure que l'on rencontrera des échantillons plus parfaits.
Sous d'autres rapports, les dents d'Otodus sont soumises aux mêmes règles qui régissent les dents des Squalides en général; on retrouve au moins parmi les dents des espèces communes, toute la série des modifications de forme que l'on observe sur une même mâchoire dans les espèces vivantes. Les dents antérieures sont droites et pyramidales, ou du moins d'égale forme des deux côtés, tandis que celles qui se rapprochent des angles de la gueule, sont de plus en plus courtes et arquées en arrière. La face externe est plane; la face interne est bombée. L'émail descend plus bas á la face externe qu'à la face interne. La base de la couronne est en général lisse; il n'y a que quelques espèces dans lesquelles il existe des plis; mais je ne pense pas que l'absence ou la présence de ces plis puisse avoir une valeur générique.
II est inutile de comparer les Otodus avec les vrais Carcharias et les autres genres que nous avons décrits ci-dessus. Non-seulement leur forme les en éloigne complètement, mais leur structure microscopique, au lieu de présenter une cavité comme dans ces derniers, est au contraire massive comme dans les Carcharodon et les vrais Lamna.
Je conclus de ces particularités, que les Otodus devaient être des poissons très-voisins des Oxyrhina par leur forme et par leurs allures, et qu'ils atteignaient en général, comme ceux-ci, de très-grandes dimensions.
Les espèces connues jusqu'ici sont au nombre de treize; les plus anciennes remontent á la craie, qui en contient le plus grand nombre. Quelques-unes sont tertiaires. Je n'en connais point encore de vivantes.