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CHAPITRE XXIX. DE LA STRUCTURE DES DENTS DES SQUALIDES

Les dents des Squalides, á l'exception des Cestraciontes et des Hybodontes que nous avons rapportés á des familles á part, ont toutes une racine squammeuse et arrondie qui ne fait jamais corps avec la mâchoire, et qui est surmontée d'une couronne plus ou moins tranchante et acérée. L'examen d'une vingtaine de genres de Squales vivans et fossiles nous a convaincu qu'il existe dans leur structure microscopique deux types de couronne très-distincts, tandis que la racine ne varie que dans la forme, mais non pas dans la structure intime. Le premier de ces types n'a á l'intérieur de la couronne qu'une seule cavité pulpaire, dont la forme imite les contours extérieurs de la dent. Cette cavité ne communique pas librement avec le canal alvéolaire de la mâchoire, comme c'est le cas de la plupart des autres dents á cavité pulpaire simple; mais les canaux médullaires de la racine s'ouvrent sur toute la surface inférieure, et permettent ainsi le passage des vaisseaux nutritifs dans l'intérieur de la dent. Cette section comprend les genres Scyllium, Pristidurus, Squatina, Hemipristis, Sphyrna, Prionodon (Carcharias), Galeus, Galeocerdo, Acanthias, Spinax, Centrina, Scymnus et Mustelus.

Le second groupe auquel appartiennent toutes les Lamies, notamment les genres Odontaspis, Lamna, Selache. Oxyrhina, Carcharodon, Otodus et les genres Corax et Notidanus, se distingue du premier par une dentine solide, sans cavité pulpaire principale, dans laquelle sont creusés une multitude de canaux médullaires secondaires qui, tout en conservant en général une direction ascendante vers le sommet de la couronne, s'anastomosent entre eux par des réseaux très-compliqués.

Comme les tubes calcifères sont disposés dans toutes ces dents de manière á former -un angle droit avec la cavité d'où ils rayonnent, il en résulte que dans les dents de la première section, ces tubes ont une direction très-uniforme et que l'on peut poursuivre sur des sections bien verticales les tubes calcifères dans toute la longueur de leur cours, tandis que les dents de la seconde section, dans quelque direction que l'on fasse la coupe, présentent toujours une quantité de tubes ramifiés obliquement, La structure l'émail est la même dans les deux sections et varie comme les canaux médullaires d’après les genres et les espèces.

M. Owen qui, dans son excellente Odontographie (Page 23-43), a déjà fait une étude assez complète de la dentition des Squales, a bien remarqué cette différence de structure, qu'il mentionne á plusieurs reprises; mais comme il n'a examiné qu'un petit nombre de genres au microscope, se bornant pour les autres á en signaler les caractères extérieurs, si variés dans les Squalides, il n'a pas été dans le cas d'attacher une aussi grande importance á ces différences de structure, d'autant plus que la plupart des genres qu'il a étudiés rentrent dans notre second groupe á dentine massive. Aussi la structure des dents, telle que nous l'envisageons aujourd'hui, nous fournit-elle un critère précieux pour la délimitation des genres et même, dans quelques cas, pour le groupement des familles. C'est ainsi que le genre Carcharodon, si semblable aux vrais Carcharias par la forme extérieure de ses dents, se rapproche des Lamies par la structure de ces dernières, aussi bien que par ses autres caractères zoologiques; c'est ainsi que le genre Corax, que sa forme pourrait á peine faire distinguer des vrais Galeus et des Galeocerdo, s'éloigne de ces genres pour prendre place á côté des Notidans. Enfin, le fait que les dents de différentes formes qui se trouvent dans les mâchoires de la même espèce affectent invariablement la même structure, comme je m'en suis convaincu á plusieurs reprises, est également d'une grande valeur pour la détermination des espèces fossiles, dont on ne trouve que des dents détachées. Ici la structure microscopique est la véritable pierre de touche, et ce n'est qu'autant qu'elle se montre la même que l'identité spécifique peut être maintenue, tandis que si elle est différente, tout rapprochement doit être rejeté, quelque semblable que soit la forme extérieure.